Bonjour à tous et bienvenue au Journal de l'Histoire !
Nous nous retrouvons aujourd’hui pour parler un lieu un peu oublié des Lyonnais, et pour cause.
Comme vous pouvez le voir derrière moi nous sommes devant une église, une église désacralisé en 1999 et fermée au public depuis 2003.
Peu d'image de ce lieu sont visiblement sur internet ou vidéo.
Nous nous intéresserons donc à l’histoire de l’église ainsi que de la famille qui aura permis sa construction.
Après plusieurs mois de travail et grâce à la ville de Lyon, nous avons la chance d’avoir eu accès à cette église un peu spéciale ! Nous allons donc pouvoir vous faire découvrir l’intérieur de l’église avec des images rares mais également-vous conter son histoire et ses mystères !
Commençons tout d’abord par sa localisation, située aux croisements de la montée saint Sébastien et de la rue Général de Sève dans les pentes menant à la croix rousse, celle-ci passe relativement inaperçue compte tenu de la présence de nombreux arbres sur tout le pourtour de l'édifice, ce qui la rend invisible depuis la place Colbert.
Maintenant vous savez où la situer alors allons-y !
L’histoire de l’église Saint-Bernard commence en 1852, date à laquelle la colline de la Croix-Rousse est rattachée à la ville de Lyon.
A cette date, l’église officielle des habitants de la colline est encore l’église Saint-Polycarpe mais des riverains de la place Colbert, trouvant cette église trop éloignée, demandent alors l’édification d’une nouvelle paroisse près de cette place.
Le cardinal de Bonald autorise la construction d’une nouvelle paroisse et charge l’abbé Jean-François Dutel de sa fondation.
C'est le 17 mars 1852 qu’une pétition est envoyée à la mairie de Lyon afin de la solliciter pour le projet de construction d’une chapelle provisoire.
Désireuse d'apaiser les conflits après la révolte des canuts, la municipalité accède à leur demande et recherche un terrain susceptible d'accueillir la nouvelle église.
M. Frédéric et Ferdinand Willermoz, faisant partie des signataires, proposent, pour une somme symbolique, de vendre un terrain situé entre les rues de Sève, de Vaucanson et la montée Saint-Sébastien.
Information importante : La fortune de ces bienfaiteurs provient de leur oncle Jean-Baptiste Willermoz - vous savez celui qui sauva l’hôtel dieu des flammes durant la révolution et dont nous avons déjà parlé - et si les deux frères proposent généreusement ces terres c’est dans le but de respecter les dernières volontés de leurs oncles dont ils sont les exécuteurs testamentaires.
Mort en 1824, Jean-Baptiste Willermoz ne laisse aucun fils, et lègue sa fortune à ses neveux avec une exigence : céder une partie du terrain des colinettes, anciennement propriété d’un couvent à la ville de Lyon, pour y faire construire une église, qui devra porter le vocable “Saint-Bernard”, du nom à la fois du couvent des Bernardines mentionné précédemment qui étaient une congrégation de bonnes sœurs cisterciennes qui habitaient sur ces terres et qui furent chasser durant la révolution Française, mais aussi du nom du protecteur et adoubeur des Templiers : Bernard de Clairvaux.
Vous verrez que cela a une importance toute particulière sur l’iconographie présente dans l’église.
Le projet est donc rapidement accepté ! Entre le 19 et le 24 mars 1852 la préfecture donne son accord pour la nouvelle construction et le terrain rétrocédé par les frères Willermoz est officiellement remis.
Le 22 août de la même année, une chapelle provisoire en bois et en briques, est bénie.
En réalité, la construction de cette église semble ne pas avoir correspondu qu’à une demande de la population, mais plutôt à une volonté de répondre à une demande pour apaiser les récentes tensions Lyonnaises.
Rappelons qu’à ce moment, Lyon sort des trois insurrections des canuts, respectivement en 1831, 1834 et 1848.
Canuts qui étaient encore présents en nombre à la Croix-Rousse.
En parallèle, on travaille donc à la construction de l’église définitive.
La commission créée pour l’occasion, confie la construction à Tony Desjardins, architecte à qui l'on doit notamment l'église Saint-Pierre de Vaise, mais également la restauration de l’hôtel de ville et la construction d’une aile du Palais Saint Pierre.
Suite à la mise en place des fondations, la première pierre est posée et bénit le 28 mai 1860 par le cardinal de Bonald.
Vient ensuite l’élévation du transept et de deux travées de la nef.
Deux ans plus tard, en 1862, le chantier s’arrête faute de moyens.
Tony Desjardins établit un nouveau devis pour l’ensemble de l’édifice, exception faite de la façade dont le projet prévoyait un clocher et un escalier.
L’église est finalement bénie une nouvelle fois le 18 mai 1866 puis consacrée le lendemain, sans pour autant que la façade ne soit terminée.
En 1871, Tony Desjardins est à nouveau sollicité pour établir un devis afin de terminer la façade.
Le montant étant trop élevé, le projet est abandonné et le clocher et l’escalier ne verront jamais le jour.
D’où la partie manquante relativement visible ici.
Les travaux intérieurs continuent cependant : des barrières sont posées dans le chœur, les orgues sont inaugurés, des dossiers sont installés aux stalles et des boiseries posées dans le chœur.
Nous sommes ici à la place d’un des orgues qui à été complètement désossé et qui tombe tout simplement en ruine… malgré les projets de rénovation envisagés, c’est une perte considérable pour le patrimoine Lyonnais que de voir ce genre de vandalisme dans des lieux chargé d’histoire comme celui-ci…
Lucien Bégule, un peintre-verrier et archéologue français est chargé de la réalisation des vitraux.
Et comme vous allez le voir, les vitraux sont quelque peu spéciaux pour une église..
Nous avons ici une représentation de Joseph le père de Jésus, habillé en “vizir de Pharaon” et un autre, à côté, qui représente Joseph le père nourricier de Jésus. Il y a donc deux Joseph, l'un de l'ancien testament et l'autre du nouveau.
Sur cet autre vitrail on distingue la présence d’une discrète croix Franc maçonne ou templière, durant le baptême de Jésus par Jean.
En 1888, le tunnel du funiculaire dit : tunnel de la ficelle, est percé, et passe sous l'angle sud-ouest de l’église.
Les travaux entraîneront malencontreusement un affaissement du terrain et des dégâts à l’édifice dont la ville prendra en charge les réparations.
À la suite de cet épisode, des études géologiques réalisées ont permis de se rendre compte que l’église a été semble-t-il édifiée sur différents réseaux souterrains qui la fragilisent, en l’occurrence le réseau des fantasques relié aux célèbres réseaux des arêtes de poisson.
Mais nous reviendrons sur cette partie plus tard.
L'église doit ainsi fermer en 1891 pour une première phase de restauration, qui dure jusqu'en 1900, année à laquelle elle peut de nouveau accueillir ses fidèles.
Mais les problèmes de stabilité ont perduré et l’église fermera définitivement au public en 1992 pour des raisons évidentes de sécurité.
Quelques années après sa fermeture définitive, celle-ci sera finalement désacralisée en 1999.
Depuis lors, différents projets ont été évoqués : sa démolition définitive, sa rénovation intégrale ou encore la démolir pour la reconstruire à Dubaï – pas sûr que cette idée soit la plus pertinente
Dans tous les cas, tous ces projets ayant été jugés trop onéreux, la municipalité s'est contentée de stabiliser l’édifice par la pose de tirants ainsi que de remettre le devenir de l'église St Bernard à une date ultérieure.
Il convient de noter que ce patrimoine lyonnais en danger n’est pas qu'architectural, il est également artistique.
Comme vous avez pu le voir malgré les dégradations, l’église possède de superbes vitraux qui ont été menacés, à cause de l’instabilité du monument, mais également à la suite d’actes de vandalismes ou d’urbex mal intentionnés depuis sa désacralisation.
C’est dans cet état quasi fantomatique que l’église Saint-Bernard tente de dominer de façon harmonieuse les pentes de la Croix-Rousse et en particulier la place Colbert.
Si tenté que vous arriviez à l’apercevoir derrière l’épais feuillage de mère nature qui a repris ses droits autour de l’église.
Vous connaissez maintenant l’histoire de la construction de cette église un peu spéciale.
Revenons donc sur le point marquant, entourant la construction du bâtiment, à savoir le lien entre l’église et Jean baptiste Willermoz qui souhaitait sa construction et la présence de réseaux souterrains sous l’église ou à quelques mètres de celle-ci.
Jean-Baptiste Willermoz qui avait sa loge maçonnique sur la rue des fantasques, a donc permis la construction de l’édifice en demandant spécifiquement qu’elle le soit à l’emplacement actuel.
Mais au-delà du lieu et de la petite contrepartie demandée - l’église devait réaliser 5 messes annuelles en l’honneur de la famille Willermoz pour leur généreux don, c’est surtout l'esthétique de l’église qui nous frappe.
Les vitraux sont pourvus d’une iconographie peu commune pour une église catholique classique.
Vous avez pu voir un Joseph en vizir égyptien du plus bel effet.
Ou encore la présence de croix Franc maçonne ou templière suivant l’interprétation, un peu partout dans l’église.
Les questions sont donc multiples :
Pourquoi de nombreux signes templiers sont-ils présents sur les vitraux ? Pourquoi l’avoir explicitement nommé Saint-Bernard “ qui se trouve être le père de la milice du temple qui sera renommé les templiers ?
L’Église se trouve, sur, voire très proche des souterrains appelés les arêtes de poisson, dont nous savons peu de choses finalement, et Jean-Baptiste Willermoz aurait-il voulu en protéger l’accès ?
Ce qu’il faut bien comprendre c’est que Jean-Baptiste Willermoz était l’un des francs-maçons les plus gradés si ce n'est LE plus gradé de son époque.
Il fonda le Régime Ecossais Rectifié, en réformant la stricte observance templière, rite maçonnique qui revendique une filiation templière, les francs-maçons seraient les descendants, réels ou seulement d’esprits, des Templiers.
À savoir que Mr Willermoz est toujours considéré comme une sommité du monde Maçonnique.
En 1797, il rachète les terres de son frère Pierre-Jacques sur les pentes de la Croix-Rousse et en demande spécifiquement l’usufruit des “sous-sols”, une demande que l’on peut aisément juger assez étrange.
Étant donc maintenant propriétaire des terres ayant appartenu aux bernardines, l’ordre cistercien dont nous avons parlé tout à l’heure.
il semblait logique pour le grand franc-maçon qu’il était que l’église prenne le nom du plus célèbre des cistercien et père des chevaliers de l’Ordre du temple, à savoir Bernard de Clairvaux.
Concernant les arêtes de poissons, est-il au courant, les a-t-il visités voire même y a-t-il trouvé quelque chose ? difficile de répondre avec certitude, mais le fait qu’il soit au courant de leur existence paraît assez évident au vu de sa demande concernant la jouissance des sous-sols de ses terres.
Mais les arêtes de poissons en fait, c’est quoi ? tu peux nous expliquer rapidement ?
Si vous n’avez jamais entendu parler de ses souterrains Lyonnais rassurez-vous, nous réservons une émission sur le sujet, en attendant et pour bien comprendre l’éventuelle relation avec l’église et Jean-Baptiste Willermoz, voici un rapide explicatif:
Il s’agit d’un réseau de galeries souterraines construites à l’époque gallo-romaine d’après le service d’archéologie de la ville.
Ces galeries souterraines allant jusqu’à 30 mètres sous terre et partant du Rhône à la rue Magneval située au-dessus de Croix-Paquet, constituent bien des mystères.
Les arêtes de poisson semblent n’avoir jamais servies.
Redécouvertes en 1959 après avoir été endommagées lors de la construction du tunnel de la Croix-Rousse et inaccessibles aux visites sauvages 30 ans plus tard, leur utilité reste aujourd’hui encore méconnue du grand public.
La thèse la plus répandue sur ses galeries est défendue par Walid Nazim, qui pense que les arêtes de poisson datent du VIIIème siècle et qu’elles servaient d’entrepôt au Trésor des Templiers, appartenant donc à l’ordre des chevaliers du Temple…à savoir que malgré que nous ne pouvons pas certifier cette hypothèse, Walid Nazim à réalisé un travail considérable sur le sujet.
En opposition à celle-ci, le réalisateur Georges Combe soutient qu’il s’agirait de souterrains romains liés au sanctuaire des Trois Gaules.
Avec ce genre d’histoire, vous comprendrez qu’il est facile de s’imaginer que Mr Willermoz ait pu trouver le légendaire trésor des templiers ou qu’il ait mis la main sur des reliques incroyables.
Malheureusement et fautes de preuves difficiles d’aller plus loin.
Ce qui est certain c’est que les arêtes de poissons Lyonnaises n’ont pas fini de susciter l'intérêt des curieux et des spécialistes.
Celles-ci arrivent même à créer du mystère autour d’une église qui semble tout simplement être un hommage d’un grand maître franc-maçon à son père spirituel, Bernard de Clairvaux.
Nous arrivons à la fin de cette émission et nous espérons que vous pourrez voir d’un œil différent cette église tristement laissée à l'abandon depuis une vingtaine d'années.
Sachez tout de même qu’un joli projet de rénovation et de transformation est en discussion et permettrait à la ville de Lyon de sauver l’église, ses magnifiques vitraux ainsi que de permettre au Lyonnais de venir admirer l'œuvre voulue par la famille Willermoz !
Nous souhaitions remercier la ville de Lyon pour leur confiance et pour nous avoir donné la chance de tourner dans l’église Saint Bernard !
Merci encore à tous ceux qui nous suivent depuis le début de cette aventure, pour ceux qui nous découvrent n'hésitez pas à vous abonner, à partager ou à nous dire en commentaire ce que vous avez pensé de cet épisode !!
Bon maintenant je peux vous avouer qu’avec Philippe et sa légendaire frontale, nous avons jeté un œil de partout dans l’église pour découvrir une éventuelle entrée des arêtes de poissons… ben ouai, on ne sait jamais, qui sait, un jour nous réécrirons peut-être vraiment l’histoire…
Sources :
- Wikipédia
- Patrimoine Lyon.Org
- Juste une dose
- WikiSource
- Vitraux Begule
- Le Bonbon
- Alice Joly : Mystique lyonnais et les secrets de la Franc-Maçonnerie
- Georges Combe : Les souterrains du Temps